« Par principe, nous sommes opposés aux réseaux fermés »
Alors que le dernier Congrès a vu la fusion de trois syndicats en un seul, Benoît Roy, son président, détaille pour l’Ouïe-Magazine l’organisation et les objectifs du nouveau syndicat. Remboursements différenciés, réseaux de complémentaire-santé, coopération entre professionnels de santé, nombre de diplômés, normes et certification : il analyse les sujets-clés pour l’avenir.
L’Ouïe Magazine : Lors du dernier Congrès, vous avez acté la fusion des trois syndicats historiques en une seule organisation. Quel bilan tirez-vous de cette fusion ? Quel programme allez-vous mettre en oeuvre ?
Benoît Roy : L’heure n’est pas au bilan mais à l’action. Notre objectif est l’efficacité. C’est pour cette raison que nous avons mis en place différentes commissions : adhérents, communication, éthique, législation, scientifique- Congrès, liens avec l’Union nationale des professions de santé, organismes complémentaires d’assurance-maladie, Caisse nationale d’assurance-maladie, informatique, Europe, organisations régionales, partenariats, Afnor etc. Sans citer l’ensemble des commissions et leurs responsables, il s’agit de faire toucher du doigt une nouvelle organisation que j’ai voulue à la fois ouverte à tous, décentralisée, et démocratique. C’est dans ce même état d’esprit de décentralisation et de responsabilisation que nous allons nous diriger vers l’élection de délégués régionaux, calquée sur le découpage administratif et les agences régionales de santé mises en place par la loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST.)
Enfin, je souhaite m’adresser directement à mes confrères à travers notre site Internet qui va être rénové avec une partie exclusivement réservée aux professionnels. Afin que nous puissions entamer entre le syndicat rénové et ses adhérents un dialogue renouvelé, sincère et vivant.
L’Ouïe Magazine : Début août, le Conseil constitutionnel a annulé au sein de la loi Fourcade, le texte qui autorisait les remboursements différenciés par les mutuelles mais aussi l’ouverture des réseaux d’assurance à tous les professionnels. Comment réagissez-vous ? Quelle est votre position de fond en la matière ?
Benoît Roy : Par principe nous sommes opposés aux réseaux fermés et aux remboursements différenciés tout simplement parce que nous défendons un principe de liberté. Celle du choix par le patient de son professionnel de santé. De plus, dans le cadre de réseaux ouverts, il me semble que seul le facteur prix prévaut, ce qui n’a aucun sens. La notion de “mieux- disant”, utilisée dans le cadre des marchés publics, me semble mieux adaptée. Pourquoi ? Tout simplement parcequ’elle prend en compte la dimension qualitative.
L’Ouïe Magazine : Il n’empêche que les complémentaires sont en quelque sorte des « clients aveugles » qui financent une part non négligeable du coût de l’aide auditive ?
Benoît Roy : Attention à ne pas inverser l’ordre des choses. Ce sont les patients quisouscrivent des contrats de complémentaires santé qui, en contrepartie, leur fournissent une couverture. Les complémentaires ne sont ni patients, ni clients des audioprothésistes ! Quand il souscrit un contrat d’assurance le patient ne souscrit ni à une qualité médiocre ni à un choix limité d’aides auditives ou de professionnels de santé. C’est à lui d’arbitrer en fonction de ses moyens bien sûr mais aussi de ses choix et de ses propres arbitrages budgétaires. On ne peut aussi facilement interférer sur le libre arbitre de chacun.
« Les jeunes professionnels ne tiennent pas à être cantonnés dans un corner optique »
Et puis, franchement, les complémentaires ont-elles intérêt à décevoir leurs clients qui pourraient les remettre en cause ? Poser cette question c’est y répondre. Chacun doit être à sa place, la complémentaire, l’audioprothésiste. Au service des patients. Attention encore à ne pas mettre tous les réseaux complémentaires dans le même sac, si j’ose m’exprimer ainsi, tous n’ont pas la même philosophie. Cependant, les audioprothésistes qui adhèrent à des réseaux uniquement fondés sur des critères de prix prennent un gros risque vis à vis des équilibres de leur entreprise. Ils ne pourront pas offrir la prestation attendue sur des années et répondre à leur niveau de charges même en créant un trafic complémentaire.
On sait très bien que certains signent dans le but de faire du “one shot”, on va appareiller des patients qui parfois viennent de loin à la va-vite, sans le nécessaire suivi on ne les reverra pas mais ce n’est pas grave, on a encaissé. Ces procédés sont inacceptables, le patient n’est pas un pigeon, il doit bénéficier d’un appareillage et d’un suivi de qualité ; depuis des années nous tirons la profession vers le haut et ces quelques brebis galeuses, rarement issues de la profession, cassent notre image de professionnels de santé sérieux.
Par ailleurs, je dois dire que certaines enseignes de la distribution ont fait de leurs conventions avec les complémentaires une sorte de produits d’appel pour le recrutement d’audioprothésistes indépendants sans qu’elles en subissent, elles, les conséquences ! Avec pour seul objectif leur croissance numérique et la croissance du poids de leur centrale d’achat.
L’Ouïe Magazine : Notre dossier consacré aux relais de croissance du marché dans ce même numéro le montre encore une fois, le débat sur la démographie professionnelle et le nombre de diplômés est toujours sujet à polémiques
Benoît Roy : Pour notre part, il n’y a pas lieu de polémiquer ! Notre position ne varie pas car les fondamentaux ne varient pas. Si le nombre de diplômés n’est pas en parfaite adéquation avec la demande, une cinquantaine supplémentaire suffirait à s’ajuster aux besoins. Bien qu’il n’y ait pas de pénurie, je le répète, en termes d’offre de soins. Il est aisé pour un patient de trouver un audioprothésiste. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que certaines enseignes ne trouvent pas les audioprothésistes qu’elles recherchent. Pour la simple raison, que les jeunes professionnels ne tiennent pas être cantonnés dans un corner optique.
L’Ouïe Magazine : La loi Hôpital, patients, santé et territoires prévoit notamment des « coopérations » entre professionnels de santé. Que proposez-vous et que conseillez-vous aux audioprothésistes dans ce cadre ?
Benoît Roy : C’est un débat que j’ai commencé à ouvrir au conseil d’adminstration de l’UNSAF. Il est trop tôt pour faire des propositions. Des expériences pourront être faites au niveau régional et c’est une des raisons pour lesquelles le responsable régional de la profession occupera une fonction importante. Le dernier conseil a déjà anticipé sur un point : le responsable régional ne pourra pas prendre d’initiative qui n’aura pas été préalablement validée par ce ce même conseil. Nous n’accepterons pas que dans certaines régions notre représentant ne suive pas la ligne nationale. Ce que je conseille donc à mes confrères c’est d’adhérer au seul syndicat national représentatif de la profession, de participer à ses travaux, de s’engager et de faire des propositions car aujourd’hui nos structures sont vraiment ouvertes.
L’Ouïe Magazine : Un sujet qui vous est cher : la norme européenne Afnor. Quand va-t-elle être déclinée en France ?
Benoît Roy : Pour aboutir à la norme européenne, nous avons dû bien évidemment négocier un consensus avec les commissions nationales d’autres pays. Je rappelle que selon les critères de l’ISO et du CEN toutes les commissions nationales doivent être représentatives du marché être composées de l’ensemble des parties prenantes. Compte tenu des différences à l’intérieur de l’Europe cela nous a forcément amené à revoir nos prétentions et à élaguer certains chapitres.
Pour la mise en place du référentiel qui sera utilisé en France. Nous avons tout simplement fait le choix de ne pas refaire tout ce qui a déjà été fait, nous allons très simplement réintégrer tous les points qui avaient été l’objet d’un consensus entre toutes les parties prenantes en France : profession, patients, industriels, pouvoirs publics, caisses d’assurance maladie, Haute autorité de Santé, universités, prescripteurs.. Une commission restreinte a été mise en place avec les deux rédacteurs initiaux de la norme, Jean-Jacques Blanchet et Hervé Bischoff, un représentant des associations de malentendants, Renaud Mazellier, et moi.
L’Ouïe Magazine : Quels critères et conditions ?
Benoît Roy : Cela porte notamment sur les conditions matérielles, les tests, la formation en particulier la formation initiale mais aussi les conditions de validation de la formation continue, l’information du patient. Nous pourrons vous en dire plus d’ici quelques mois, l’an prochain, cette certification Afnor verra enfin le jour et les premiers centres seront certifiés.
L’Ouïe Magazine : Dans le cadre d’une convention ayant notamment trait aux prix des médicaments, le Comité économique des produits de santé (CEPS) envisage de proposer à la signature des représentants des professions de santé un niveau de remboursement pour les produits, dont les aides auditives, et prestations (LPP) qui serait lié à un prix limite de vente. Quelle sera la proposition de l’Unsaf ?
Benoît Roy : Il s’agit plus précisément d’un accord cadre entre le CEPS et les organisations professionnelles concernées par les produits et prestations inscrits mentionnés au Code de la Sécurité Sociale. L’objectif de l’accord est notamment d’améliorer et partager entre les parties signataires les informations sur le marché national, pour une meilleure connaissance des marchés des produits et prestations. À ce jour le conseil d’administration de l’UNSAF n’a encore pas statué sur l’éventuelle signature de cette convention.
Source : L’OUIE MAGAZINE • septembre-octobre 2011 – Article reproduit avec l’aimable autorisation de L’OUIE MAGAZINE – www.ouiemagazine.fr